vendredi 19 mai 2017

 [Interview par Scientas'Hic - Partie 4] Geoffrey Claustriaux: Au Coeur du Laboratoire Littéraire

(Article original sur le site de Scientas'Hic)


Geoffrey Claustriaux n’est pas un écrivain ordinaire: outre qu’il fait certaines couvertures de livre lui-même, il s’essaie constamment à de nouvelles expériences littéraires, comme la rédaction « collaborative » de son roman Pherstone. Une collaboration, qui peut aussi prendre la forme d’un parrainage, suite à un jury littéraire! [oui, on sait faire naître le suspense, sur Scientas’Hic!] Mais avant de plonger dans l’expérimental, quelques mots sur ses dernières sorties.
Peux-tu nous parler de Pentecôte, ton 3e roman publié ?
On suit une femme qui appartient à une brigade spéciale de gendarmerie qui existe vraiment en France, le Groupe Spéléogique de la Gendarmerie Nationale qui effectue des interventions en montagne et dans les grottes. Elle découvre un cadavre dans une grotte au fond de l’eau.
En parallèle, on suit un policier à Brest, qui enquête sur des disparitions de personnes. C’est du pur policier, sur une île. Je dis toujours que ça rappelle les séries de TF1 genre Dolmen ou les séries de l’été. C’est ce genre d’ambiance, pas très dark. Enfin, il se passe des trucs pas super sympas, mais ce n’est pas étouffant ou terrifiant.
Tu viens également de sortir un nouveau roman, Purgatoire ?
C’est un roman court, on va dire. Du fantastique. Le principe, c’est qu’on suit un criminel, un jeune homme qui a mal tourné. Il tue quelqu’un et, en s’enfuyant, il meurt à son tour. Il se retrouve au Purgatoire, face au Gardien qui lui dit : « je peux te ressusciter si tu me prouves ta valeur, que tu me prouves que tu peux t’améliorer ». A partir de là, il va lui faire subir une série d’épreuves destinées à purifier son âme. On en revient de nouveau au thème du personnage qui a mal tourné. Ça vient juste de sortir, mais les premiers échos sont extrêmement positifs, je suis assez content.
Tiens, après David dans Les Royaumes éphémères, un autre personnage dont le point de départ est la mort… un autre thème de prédilection, peut-être ? 
Ma foi, c’est vrai que l’on y peut voir une autre thématique qui m’interpelle. Comme beaucoup de monde, je me demande s’il y a quelque chose après la mort. J’imagine que ça me rassure d’imaginer une « suite » à la vie, même si c’est quelque chose de moche [rires].
On le verra plus tard avec le cinéma, mais tu touches à beaucoup de projets différents. Par exemple, il y a Pherstone, un projet qui à la base est un roman classique et dont tu fais finalement un projet collaboratif. Tu peux nous expliquer de quoi il s’agit?
Pherstone, c’est vraiment quelque chose que j’avais écrit pour moi, à la base. Je n’avais jamais pensé diffuser. D’ailleurs, je n’en avais même pas parlé à ma mère qui est ma principale relectrice, ni à ma copine de l’époque. Je l’ai écrit après une grosse période où j’avais enchaîné plusieurs romans. Une fois que Pentecôte est sorti, j’ai eu envie d’écrire un truc pour le fun, pour me faire plaisir. Je me suis lancé sans aucune préparation, avec juste le nom du personnage principal et le titre, et j’en ai fait une sorte de décalque d’Harry Potter. J’ai écrit ça en deux mois, il y a environ trois ans.
Récemment, j’ai découvert la plateforme Wattpad qui est un genre de Youtube littéraire où tout le monde peut poster des textes accessibles à tout le monde. J’ai exhumé ce truc-là en me disant pourquoi pas. Autant le diffuser gratuitement, puisqu’il était de toute façon impubliable. Je l’ai mis en ligne et je me suis dit que j’allais en faire un feuilleton, au rythme d’un chapitre par semaine. Les réactions des gens ont été assez étonnantes : ils aimaient bien, mais ils ne comprenaient pas pourquoi ça ressemblait autant à Harry Potter. Ils me disaient : « peut-être qu’en faisant comme ça… ». Du coup, je me suis dit : « pourquoi ne pas essayer d’en faire un roman participatif ? »
Le projet a évolué de lui-même, ça ne m’était jamais venu à l’esprit au moment où j’ai publié le 1er chapitre. Maintenant, je n’en suis qu’au 2e chapitre [note : au moment de l’interview, en mars. Au moment où cet article est mis en ligne 10 chapitres sont sortis]. Je publie un chapitre par semaine et je dis aux gens « critiquez, dites-moi ce qui est à changer, les coquilles, l’histoire, etc. » Pour le moment, les gens sont assez réactifs je trouve, c’est assez chouette.
Pherstone, à lire sur Wattpad.
Et donc tu vas réécrire l’histoire en fonction des réactions ?
Jusqu’à présent, je n’ai réécrit que des petites parties de chapitre mais effectivement, après la 1re version qui ressemblait très fort à Harry Potter, j’ai réécrit complètement le 1er chapitre, j’ai fusionné et complètement remodelés les 2 premiers. Après, j’espère qu’il n’y aura plus que des petites parties à modifier parce que si je dois complètement modifier la structure du roman ou si ça on m’emmène vraiment dans une autre histoire…
Les lecteurs peuvent par exemple s’étonner de la présence d’un élément qui te servira pour préparer la suite, ce qu’ils ne savent pas encore.
Oui c’est ça, il va falloir jongler. Je n’ai pas encore été confronté à un problème de cet ordre-là mais c’est vrai que moi je sais ce qui se passe après. Mais si on me dit de façon pertinente : « ça il faut que ça se passe comme ça », pourquoi pas ? On verra ! Comme je dis toujours, peut-être que le projet va se casser la gueule et qu’au bout de 10 chapitres, je ne vais pas y arriver.
[Mise à jour 03/05/17] Je suis arrivé aux 10 chapitres et certains éléments ont beaucoup changé. Les lecteurs sont réactifs et certains sont vraiment au taquet. C’est chouette ! Mais ça demande beaucoup d’énergie.
Tu vas également faire un autre projet participatif ! Tu as été jury dans un concours de nouvelles fantastiques, et tu vas parrainer un jeune auteur. 
C’est un concours qui est organisé par la Confédération Parascolaire, la Fédération Wallonie-Bruxelles, le Festival international du film fantastique de Bruxelles, les Éditions Bayard et la COCOF. Le but c’est de motiver à écrire des jeunes de 10 à 18 ans. Les cinq premiers gagnent un prix, mais avec le « meilleur » [note : Geoffrey précise bien « meilleur entre guillemets » »], on va écrire quelque chose à deux. On va écrire, je pense un genre de roman court, un peu comme Purgatoire. Mon idée c’est de faire 10 000 mots chacun, de le publier, puis qu’il vienne avec moi sur salons (littéraires) et essayer de lui mettre le pied à l’étrier.
Franchement j’ai été étonné du niveau qualitatif, c’était fou ! Les dix premiers, je ne vais pas dire qu’ils écrivent mieux que certains auteurs publiés que je côtoie, mais j’étais vraiment… woaw, épaté [note : Geoffrey répétera à plusieurs occasions son admiration pour le niveau affiché]. J’étais très honoré, donc on verra aussi ce que ça donnera d’écrire à 4 mains avec un jeune.
Est-ce que les nouvelles seront publiées ?
Je ne sais pas. En tout cas ce que je vais faire après le jury c’est essayer de contacter, ou en tout cas demander aux auteurs qui ont écrit les nouvelles de me contacter pour leur dire ce qu’il y a moyen d’améliorer. Selon moi toujours, parce que ce n’est pas parole d’Evangile non plus, je peux dire des conneries. Mais en tout cas essayer de les motiver, parce qu’il y avait vraiment beaucoup de qualité. Les autres, c’était très bien aussi, donc ce serait dommage que le fait qu’ils n’aient pas gagné les démotive.
Tu as aussi été jury pour le concours de nouvelles « Bruxelles je t’aime » !, dont le but était de mettre la ville en valeur, à travers différents arts. Est-ce que le fait de juger les autres te fait réfléchir à ta manière d’écrire et sur ton propre travail ?
Je trouve que c’est assez difficile de juger. Déjà, moi, je ne me sens pas légitime dans ce rôle. On me le demande, je dis ok parce que c’est un honneur, mais je ne me sens pas légitime, parce que je ne m’imagine pas déjà « arrivé », loin de là. C’est assez compliqué de juger le travail des autres, je marche beaucoup au coup de cœur je dois dire. Je me dis que si un texte me plaît, c’est qu’il y a quelque chose. Je ne me pose pas de questions… [il réfléchit] ça ne change pas ma manière d’écrire, parce que je me dis que si les lecteurs aiment ce que je fais, il n’y a pas de raison que je change.
Pour terminer sur la littérature, quels sont tes projets à venir ? 
En littérature pure, j’ai un roman d’horreur que je suis en train d’écrire, Nature’s Law (titre provisoire). J’en suis au début, les grandes lignes sont définies mais vu que je prévois un truc très gros, en deux tomes je pense, il va falloir du temps.
J’essaie de me limiter maintenant. J’avais plein d’autres projets : développer une suite à Pentecôte, notamment, mais pour le moment c’est en standby. Il y a aussi celui que je vais écrire avec le jeune gagnant du concours de nouvelles, mais j’essaie de me cadrer, parce que j’ai aussi des projets de BD et de courts métrages.
Tu es « multidisciplinaire », comme nous le verrons plus loin. Pour faire la transition, j’ai lu que tu étais graphiste et que tu faisais aussi certaines couvertures de tes romans. Lesquelles ?
En fait, j’ai fait des études de graphisme. Je fais surtout du photomontage. J’achète les images de base sur Shutterstock et après je fais la composition : j’ajoute des éléments, j’en retire, …etc. L’avantage de faire sa couverture soi-même, c’est que je ne dois pas expliquer à quelqu’un d’autre ce que je voudrais et donc je peux vraiment donner l’ambiance. Par exemple, pour Les Chroniques…, j’ai acheté l’image de base à un auteur, et j’ai rajouté le squelette, la végétation, etc.
J’apprécie beaucoup de jouer sur l’atmosphère dans mes couvertures, sur le symbolisme, plutôt que sur de l’illustration littérale. Par exemple, pour Pentecôte, je cherchais une « île tête-de-mort » pour représenter le fait qu’on ait trouvé un corps sur l’île de Karreg. Je voulais aussi que l’ambiance soit estivale. Et j’ai eu de la chance de trouver exactement ce que je voulais.
Tu contrôles tout du début à la fin, un peu comme un réalisateur de cinéma !
Ça reste une discussion avec l’éditeur, je ne choisis pas tout seul. [Note : il parle de la couverture des Chroniques de l’Après-Monde :] Au début, il m’avait proposé une autre image que je n’aimais pas trop. C’était un escalier délabré. L’ambiance était là, mais ça manquait d’ampleur. Je voulais plus une ville, donc j’ai fait des recherches de mon côté et je suis tombé sur cette image-là. Au début, j’avais même rajouté un missile mais ils m’ont dit que ça faisait de trop [rires]. Donc voilà, je dis que je l’ai fait moi-même, mais ça reste toujours en partenariat avec l’éditeur évidemment. Pour l’instant je ne suis pas chez des gros éditeurs, mais croisons les doigts, si un jour je suis édité chez Bragelonne ou un autre grand, je n’aurai peut-être plus le choix.
Propos recueillis oralement le 24/03/17, mis à jour par mail début mai.

Fin de la quatrième partie.

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